A l'occasion de notre "année des bastides", il nous est apparu intéressant de mettre à l'honneur ce texte de Marie Mauron à propos de nos "maisons.
PRIERE POUR FAIRE RESPECTER LA PROVENCE
MARIE MAURON *
Naguère encore on "réparait" les maisons qu'abimait le temps et, selon les besoins des familles en voie d'accroissement, des jeunes couples à adjoindre aux anciens, des disponibilités en argent, on aménageait le logis pour la commodité, l'hygiène, le plaisir du chez – soi, du nid.
Et la maison restait harmonieuse avec ses ajouts, ses volumes nécessaires, la joie des yeux ajoutée à tout fonctionnel. C'était le maçon du pays qui, dans le vieil esprit traditionnel, sachant son métier bâtisseur,bâtissait sans rien profaner. Car il aimait cette terre, ce toit dont il devenait responsable.
Aujourd'hui, l'étranger au pays y arrive avec son argent, ses projets qui n'ont nul rapport avec rien içi, ajoute des toits aberrants au véritable, sème du gazon normand qu'on arrose journellement, la piscine qui privera d'eau l'environnement paysan, car la sécheresse est venue non pas de la rareté des orages mais de l'assèchement systématique des marais et de l'endiguement de tout fleuve, toute rivière, toute nappe que le sondage peut atteindre.
Ajoutons y les grandes baies au nord,(pour la fraicheur, sans souci du mistral) et au sud, pour la religion du soleil, dans cette Provence ou les naturels ont tendance à s'en protéger, à la saison caniculaire. Parce qu'ils sont eux des retardés !
A tout cet enlaidissement, joignez les barbelés qui clôturent, défendent, interdisent l'accès aux autochtones devenus l'Etranger, placardez Chiens Méchants, Propriété Privée, Accès strictement interdit et vous saurez pourquoi les Provençaux, si naturellement hospitaliers, souriants et affables, se renfrognent devant leur pays vendu et dénaturé.
Pitié pour une terre, un habitat humain, civilisé, que sa beauté a jeté en proie au profit d'ailleurs.
Pitié pour ses moeurs, ses coutumes,sa langue encore vivante et que l'on tue en s'en moquant, en la chansonnant d'un biais ridicule et méchant.
Pitié pour ses paysages si nobles que les pergolas, les piscines, les gazons saisissent de non-sens.
Pitié pour ses racines paysannes, bergères, artisanales, saines, laborieuses, qu'on pietine et qu'on écrase avec du frelaté à la mode. Une mode d'où ?
Pitié pour cet amour du sol, du toit, du ciel,de la mer, de la fête et de la langue de chez nous que nous étions heureux d'offrir, nous Provençaux, et qu'on nous tue !
*MARIE MAURON, "la grande dame de Provence", née en 1896, décédée en 1986 à Saint Rémy de Provence, écrivain et poête.
Héritière des grands poêtes Provençaux, elle a chanté totue sa vie sa terre, ses légendes, ses traditions. Elle a été élue Majoral du Félibrige en 1969 (cigalo d'Irlando); un collège porte son nom à Pertuis, comme dans de nombreuses villes de Provence.
Elle a écrit des quantités d'ouvrages parmi lesquels:
- En parcourant la Provence, Grand Prix Rhodanien de Litttérature en 1954,
Mes grandes heures de Provence, Prix de l'Académie Française en 1962,
Lorsque la vie était la vie, grand prix litteraire de Provence en 1971.